La religion comme outil de manipulation
Les burundais sont en grande majorité très attachés à Dieu . Il est vénéré partout et est invoqué dans toutes les activités quotidiennes. Dans les discussions, les salutations, et même les noms de famille le mot Imana est présent soit directement soit subtilement. Les religions monothéistes n’ont pas eu de mal s’implanter et se propager au Burundi d’autant plus les burundais ont toujours cru en un seul Dieu. Les églises catholiques et protestantes sont les plus présentes sur le territoire et depuis une vingtaine d’années, les églises évangélistes se sont multipliées sur les collines et dans les quartiers de Bujumbura. Il existe aussi une minorité de musulmans présente surtout à Bujumbura et dans les centres urbains. Il est extrêmement rare de rencontrer un burundais qui se dit athée et l’assume.
« Nous avons mis Dieu en avant » le nouveau mantra.
C’est sur ce terrain là que le pouvoir CNDD a choisi de jouer la carte de la manipulation par la foi pour asseoir son emprise. Utiliser la religion pour transmettre ses idées est devenue une des principales stratégies des dirigeants. Dès le début de son mandat Pierre Nkurunziza a affiché la couleur. Son discours « dusenga dukora, dukora dusenga » est le nouveau crédo. Le président Nkurunziza est proche de pasteurs Born Again et les invite souvent au palais. Depuis 2015 cette tendance s’est accentuée. Des semaines des croisades sont organisées régulièrement et membres du gouvernement, députés, sénateurs, directeurs généraux y participent. Ces retraites gouvernementales dédiées à la prière sont très médiatisées par les médias pro CNDD. Ce mélange de genre et cette absence de frontière entre religion et état semble ne pas gêner dans un pays qui se dit laïque. La formule de la prestation de serment du président devant la cour constitutionnelle change également. Le président jure « devant Dieu le Tout puissant » même si cela va à l’encontre de la constitution.
La religion, opium du peuple
Cette expression de Karl Marx qu’on y adhère ou pas illustre bien l’utilisation de la foi par les dirigeants burundais pour manipuler le peuple. La foi est la seule base de la conception du monde et elle véhicule un lot de valeurs et d’idées permettant d’avancer dans la vie. Quand elle est utilisée comme stratégie d’un pouvoir, elle devient du coup un puissant narcotique administré par les puissants à dose régulière au peuple pour qu’il supporte la misère. Le discours politique démagogique ponctué de versets bibliques devient un puissant anesthésiant qui permet au peuple d’accepter la misère. Ceux qui dirigent actuellement le Burundi ont choisi sciemment cet angle là et l’utilisent chaque fois que l’occasion se présente. Cela leur permet de contrôler le peuple pour éviter toute révolte et faire accepter toutes les ignominies.
On pourrait citer plusieurs exemples des plus anciens aux plus récents : lors d’une croisade un prêcheur a remplacé le nom d’un personnage biblique par celui du président Nkurunziza. Plusieurs fois des pasteurs et des députés ont pris le micro pour déclarer que le pouvoir de Nkurunziza émanait de Dieu. Il fallait bien un discours pareil pour faire accepter un mandat contesté.
Les images du président Ndayimishimiye portant une croix le vendredi saint qui ont également circulé sur les réseaux sociaux ne sont pas anodines.
On pourrait citer enfin les sorties médiatiques très commentées du président de l’assemblée nationale Gélase Ndabirabe. Ce dernier, pour soutenir la décision très contestée interdisant la circulation des taxis motos et des « tuk tuk » , a tenu des propos à dimension mystique affirmant que ces engins sortaient tout droit des ténèbres raison pour laquelle la mesure d’interdiction devait être sans appel.
La liste des faits et discours est très longue mais l’objectif commun est de manier la religion pour faire accepter l’inacceptable.
D’après leur dialectique Dieu est avec eux et ils l’ont mis « en avant ». Par conséquent quand on s’oppose au pouvoir, quand on critique son action, les innombrables crimes dont il est le seul responsable, on s’oppose à Dieu lui-même. Ce parallélisme s’est distillé dans les discours politique ces dernières années.
Les burundais devraient rester vigilants et ne pas se laisser endormir par cet anesthésiant. Nous pouvons prier selon nos croyances mais garder notre lucidité.
Sang’abandi.