Qui sauvera le Burundi de l’emprise du CNDD-FDD?

Les récentes sorties médiatiques des autorités burundaises démontrent la fracture grandissante entre d’une part une classe dirigeante coupée de la réalité et préoccupée par l’enrichissement personnel et d’autre part la masse populaire livrée à elle-même qui croupit dans une misère indescriptible dans un contexte de pénuries généralisées.

“L’économie du Burundi se porte bien même si beaucoup vont dire que les gens sont pauvres. La preuve c’est le rapport du FMI qui montre que nous avons connu une croissance de 3 % ”. Tels sont les propos du ministre burundais des Finances dans une conférence de presse animée ce 09 Août 2022.

Ces propos ont suscité un tollé sans précédent sur la toile et de nombreuses conversations un peu partout dans le pays et dans la diaspora. Choqués voire blessés, les internautes et analystes et intellectuels burundais se demandent comment une telle autorité ose se moquer ainsi de tout un peuple qui souffre dans le silence et la désolation un calvaire sans nom imposé par le pouvoir sanguinaire, corrompu et autocratique.

Très vite, le fameux ministre comblé a été recadré par des patriotes, chercheurs et économistes, chiffres à l'appuis. Ils ont tenu à faire une mise au point sur la situation économique réelle du pays, confirmant ce qui est déjà connu de tous. Nous n’avons aucune raison de nous réjouir côté finances en ce moment!

Avec un taux de croissance de 3,1% en 2022, le Burundi enregistre le taux le plus faible par rapport à ses voisins de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Le taux d'inflation national était de 18 % en mai 2022, soit le plus élevé depuis 2018 selon le réseau des systèmes d'alerte précoce contre la famine qui met par ailleurs en garde que les prix des denrées alimentaires de base devraient être augmentés de 45 à 55 % par rapport à l'année dernière et de 30 à 50 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

D'emblée, il serait utopique de compter sur un gouvernement menteur, incapable d’ interpréter les chiffres clés de son économie pour s’en sortir. Ses priorités ne sont pas clairement celles du peuple. Mensonge, manipulation, langage de bois et tactiques de divisions, d'endoctrinement et d’endormissement sont les stratégies mises en avant par Ndayishimiye et sa clique pour se maintenir au pouvoir.

UE et USA poursuivent leurs intérêts suite à l'embrouille au sein de l’UA.  

En février 2022, l’UE a décidé la levée des sanctions économiques prises depuis mars 2016, des sanctions qui impliquaient entre autres la suspension du soutien financier et du versement de fonds au bénéfice direct de l’administration ou des institutions étatiques. Une levée de sanctions consécutive à” l’aboutissement du processus politique pacifique entamé lors des élections générales de mai 2020, qui apporte une lueur d’espoir à la population du Burundi” et aux progrès accomplis par le gouvernement burundais depuis les élections de 2020, “en ce qui concerne les droits de l'homme, la bonne gouvernance et l'Etat de droit, ainsi que des engagements pris dans sa feuille de route en vue de nouvelles améliorations dans ces domaines”.

Cette décision de l’UE prise trois mois après celle des États-Unis de mettre fin au programme de sanctions à l’encontre du Burundi et aux restrictions de visa imposées aux onze personnes est venue confirmer une règle bien connue dans les relations internationales: les intérêts des États priment sur les intérêts des peuples. Ceux qui louent aujourd’hui Ndayishimiye et son équipe pour des soi-disant progrès réalisés en matière de respect des droits humains, lutte contre la corruption et réformes politiques sont pourtant les mêmes qui en 2015 et 2016 lançaient des appels incessants au président Nkurunziza pour qu’il arrête les actes de répression aveugle et de violence contre ses opposants. Changement de langage à 180 degrés, serait-on tenté de dire!

A cette époque, l’UA avait désapprouvé à la dernière minute le déploiement d'une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (MAPROBU) forte de 5 000 hommes, pourtant recommandée par le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA). Cette volte-face a révélé non seulement un large fossé entre les États membres et la Commission de l'UA (CUA) sur la manière de faire face à la crise burundaise mais aussi a gravement porté atteinte à la crédibilité de l'UA et a montré que son ambition de prévenir et de résoudre les conflits ne correspondait pas à ses capacités.

Uwutagira Inasenge Arisenga

“Celui qui n’a pas de tante paternelle doit prier à lui-même”, tentative de traduction de ce proverbe métaphorique burundais qui compare les rapports entre une personne et sa nièce à ceux du fidèle à son Dieu. Aujourd’hui, plus que jamais le peuple burundais est orphelin, laissé à lui-même, lâché par ses voisins et abandonné par ses donneurs de leçons lointains. Sortir durablement et définitivement de la crise déclenchée par le troisième mandat de Nkurunziza est un choix que le peuple doit pleinement assumer sans faille ni regret, conscient que son avenir et sa survie ne dépendent que de lui-même. Continuer d'espérer un éventuel  secours venant de l’étranger serait synonyme d'irresponsabilité voire de lâcheté. Tout comme on ne peut imaginer qu’un jour le pouvoir dictatorial du CNDD-FDD se mutera en une démocratie ouverte, inclusive et tolérante ou opposition et presse libre auront droit de cité. Peut-on oser rêver que notre libération et épanouissement viendront de ceux-là mêmes qui ont profité et profitent encore de notre misère, exclusion et exil?

Norbert Zongo, écrivain et journaliste Burkinabè disait: On ne libère pas un homme, un homme se libère. Autrement dit: On ne libère pas un peuple, un peuple se libère. L’heure est grave, le temps de l’action a sonné. Le pouvoir de Gitega bat de l’aile. Il est sur le point d'être lâché par ses propres piliers et soutiens, exaspérés par ses abus et mépris indécents et répétés. Le moment est venu pour les forces vives de la nation, dans leur diversité, de se défaire de l’emprise oppressante et dictatoriale du CNDD-FDD afin de redorer le blason du pays et de son peuple jadis rayonnant aux quatre coins de la planète.

Burundaises, Burundais, où que vous soyez, quoique vous fassiez, n’oubliez jamais qu’un peuple uni n’a jamais été défait. Des dictatures plus puissantes et verrouillées que celles du CNDD-FDD ont été renversées par des gens déterminés, aguerries et unis, ayant à leur tête des leaders visionnaires et intrépides convaincus que verser leur sang si nécessaire pour la libération d’un peuple est plus glorieux et valeureux que vivre dans l’oppression et mépris permanents.

Par Jeannette KAMIKAZI

 

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