Le Pouvoir du CNDD-FDD croit-il réellement à l’Unité des Barundi ? Par André Nikwigize Vice-Président du MAP-Burundi Buhire
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Cela fait presque 18 ans que le parti CNDD-FDD est au pouvoir, et chaque 5 février, on commémore l’adoption par les Barundi de la Charte de l’Unité Nationale. Il est à se demander si réellement le pouvoir y croit ou s’il célèbre cette journée par pur formalisme, pour montrer qu’il soutient le principe de l’unité des Barundi.
Pourquoi une telle affirmation ?
L’on ne peut pas commémorer un acte, aussi important que la Charte de l’Unité
Nationale sans en appliquer les principes-moteurs. Dans la Charte de l’Unité Nationale, approuvée par referendum, par 89% de la population burundaise, en date du 5 février 1991, les Barundis, dans leur diversité, proclamaient leur foi dans la pérennité de l’unité nationale. Selon la Charte, l’unité nationale a toujours constitué le recours salutaire contre tous les drames. Pour cela, les Burundais condamnaient tout ce qui viendrait les diviser. Un engagement ferme fut pris par les burundais, notamment que :Â
« Tout Murundi, présent et à venir, qui ira à l’encontre de la présente Charte, se sera rendu coupable d’un acte de haute trahison à l’endroit de la Nation et du peuple burundais ». Dans la présentation du projet, le Président BUYOYA confirmait que « la Charte de l`Unité sera au-dessus des lois. La Constitution, les lois et règlements devront strictement s`y conformer. Aucun texte contraire à la Charte ne sera accepté. En plus, la Charte de l`Unité sera un pacte irrévocable. Aucun régime, aucune institution ne pourra la changer, ni l`abroger ». En cela, la Charte, acquérait un statut supra-constitutionnel, il était ainsi inamendable.
La Charte de l`Unité Nationale représentait, pour le Burundi, les gages d`un nouveau départ pour une paix durable et la croissance économique. Beaucoup d`observateurs, aussi bien nationaux qu`internationaux, étaient convaincus que cette fois-ci, les burundais venaient de s`engager résolument vers une paix durable, et une coexistence pacifique entre toutes les communautés.Â
Mais, plus tard, certaines élites du parti FRODEBU, affirmaient que cette Charte était l`Å“uvre de l`UPRONA, parti encore unique à cette époque, et qu’elles et la population burundaise, l`ont approuvée parce qu`elles n`avaient pas d`autre choix.Â
Déjà , en 1993, Melchior NDADAYE, élu Président de la République, répondant a une question d’une journaliste du journal « Le Soir », qui lui posait cette question : « Allez-vous, à l'instar du président sortant, BUYOYA, poursuivre une politique d`unité et de réconciliation nationales ? ». La réponse du nouveau Président ne laissait aucune ambiguïté :Â
« Bien sûr, c'est notre objectif. Mais nous divergeons quelque peu sur la manière d'aborder ce problème. Le président BUYOYA a grandement contribué à cette unité, mais il l'a surtout défendue au niveau des slogans. Nous, au FRODEBU, nous voulons créer les conditions pratiques pour que se renforce cette unité : renforcer la justice, garantir les libertés individuelles, le respect des droits de l'homme, améliorer la gestion politique et économique du pays. Lutter contre toutes les exclusions, dans l'enseignement, dans l'administration. II faut que l`unité se crée à partir des conditions objectives de réconciliation, d'égalité entre les citoyens ». Autrement dit, le FRODEBU envisageait une nouvelle conception de l’unité des Barundi.
A la suite des massacres de populations qui ont suivi l’assassinat du Président NDADAYE, les acteurs politiques se sont assis autour d’une table et ont adopté, en août 2000, une nouvelle plate-forme d’unité et du « vivre-ensemble » entre Burundais, en l’occurrence l’« Accord pour la Paix et la Réconciliation au
Burundi ». C’est un Accord qui complétait, en réalité, la Charte de l‘Unité Nationale. Cet Accord de paix avait permis au parti CNDD-FDD d’accéder au pouvoir.Â
Les deux documents, la Charte de l’Unité Nationale et l’Accord de Paix et la Réconciliation au Burundi, ont été mis aux rencarts par le parti CNDD-FDD. Aucune autre pate-forme n’a été proposée aux Burundais. Peut-être, comme en 1993, le CNDD-FDD considère que les deux documents ne l’engagent pas. Alors, que signifient les journées de commémoration de l’adoption de ces deux importants documents, si l’on n’y croit pas et si aucune disposition de ces documents n’est appliquée par le pouvoir ?
HAGURUKA