Les discours populistes des dirigeants du CNDD-FDD : une stratégie de communication à la mode.
Ces dernières années, il y a beaucoup de Burundais qui trouvent que les discours des dirigeants du CNDD-FDD sont choquants, incompréhensibles ou vides de sens et parfois pleins de canulars. C’est un style nouveau et beaucoup d’entre nous, aiment souvent se moquer de ces discours sans chercher à comprendre pourquoi le CNDD-FDD communique de cette manière. En essayant de comparer ces discours avec ceux des populistes de gauche ou de droite dans les pays occidentaux, il n’y a aucun doute car il s’agit des discours populistes. Les dirigeants du CNDD-FDD ne sont pas bêtes et ils savent très bien ce qu’ils font. Le peuple devrait tirer plus d’attention à ces discours pour éviter de tomber dans leurs pièges.
Qu’est-ce qui définit un discours populiste ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord commencer par une définition du populisme. Il n’existe pas une définition dont tout le monde est d’accord mais le populisme est souvent défini comme une idéologie qui oppose le peuple aux élites politiques, économiques ou médiatiques.
Concrètement, on retrouve par exemple dans les discours des populistes des propos expliquant que les misères qu’a le peuple est la faute d’un ennemi intérieur ou extérieur. En ce qui concerne un ennemi intérieur, le CNDD-FDD a, à plusieurs reprises, cherché à convaincre les Burundais que les médias indépendants comme la RPA, Inzamba, Télé renaissance etc. collaborent avec ceux qui veulent détruire le pays. Des messages similaires sont souvent propagés pour désigner les partis d’opposition ou la société civile comme les vrais ennemis du pays « Abansi b’Igihugu ». Dans ses discours, le CNDD-FDD n’y est pour rien et ce sont souvent les médias, la société civile, les partis d’opposition qui sont pointés du doigt pour expliquer les crises économiques et politiques que traversent notre pays. Cela me rappelle les discours de Donald Trump quand il évoque CNN, la responsabilité des démocrates dans les problèmes que connaissent les Américains. Erik Zemmour en France, Jair Bolsonaro (ancien président du Brésil) et autres politiciens de la droite comme de la gauche ont tenu des discours pareils. Croyez-vous que cette similarité dans ces discours soit un juste un hasard ?
Une autre caractéristique des discours populistes est une définition restrictive du peuple qui exclut une partie des citoyens. Lorsque le CNDD-FDD a pris le pouvoir, le mot « Abenegihugu » est devenu populaire et aujourd’hui, toutes les autorités utilisent ce mot pour désigner le vrai peuple. Beaucoup ignorent que c’est une façon d’exclure une partie de la population et surtout l’élite burundaise. Il suffit d’écouter les discours du président Evariste Ndayishimiye quand par exemple, il parle des médecins ou des hauts fonctionnaires. Ils sont souvent présentés comme incapables et ce qu’ils font, vaut moins que le travail ou l’apport dans la société de quelqu’un qui a fait l’école primaire. Dernièrement, le président Evariste Ndayishimiye, dans la commune de Mishiha, a qualifié en public d’abruti quelqu’un qui a dit que la population de Mishiha a une production dont la valeur ne dépasse pas 425 dollars par an. Evariste Ndayimishiye a aussi dit que cette personne qui a tenu ces propos, se trouve à Bujumbura et ignore que la population de Mishiha n’a pas besoin de dollars pour vivre. Il faut qu’on se demande l’intérêt d’un tel discours à Mishiha pendant cette période où le Burundi souffre d’un manque criant de devises. C’est un discours qui a des enjeux politiques dont le premier intérêt est de montrer à la population que le président est proche d’elle et qu’il connait mieux les réalités sur terrain que ces élites se trouvant à Bujumbura. Ce n’est pas la première fois que le président s’attaque à certaines personnes en public. Le secrétaire général du parti CNDD-FDD Révérien Ndikuriyo et le président du parlement burundais Gélase Daniel Ndabirabe sont aussi habiles dans cet exercice de dresser la population contre l’élite burundaise.
Les discours populistes se distinguent aussi par le fait qu’ils contiennent beaucoup de mensonges et par l’art de l’influence et la manipulation au quotidien. Tous les moyens sont bons pour garder la population dans l’ignorance ou semer la zizanie au sein de la population. C’est avec l’arrivée au pouvoir du CNDD-FDD qu’il est devenu impossible de connaître la vérité sur ce qui se déroule au Burundi. Les autorités mentent sans craindre d’être poursuivis, la police ou les services de renseignement sont devenus des metteurs en scène avec des scénarios comparables à ceux qu’on a l’habitude de voir dans les films de Hollywood. Cette manipulation a un nom « MUCEZO WA NDANI ou IREMENTANYA » et le CNDD-FDD a beaucoup de gens qui jouent le rôle de relayeurs de ces fausses nouvelles sur les réseaux sociaux et dans les différents médias. L’affaire Kadege ou celle de Ndayizeye sont quelques exemples de ce que le CNDD-FDD est capable. Pire, le CNDD-FDD utilise parfois le nom de « Dieu » pour manipuler le peuple. Vous vous rappelez surement les propos qui ont été tenus pendant la pandémie du COVID-19. Beaucoup d’autorités burundaises ont caché les chiffres montrant les personnes atteintes du COVID-19 et ils ont dit que le Burundi est épargné par le COVID-19 puisque le Burundi est un pays qui a donné à Dieu la première place. Le Burundi n’est pas le seul à voir connu des discours invoquant Dieu pendant la crise du COVID-19. Le Brésil en fait partie par exemple. Le président Jair Bolsonaro aimait invoquer Dieu dans ses discours, il a même dit que seul Dieu pourrait le retirer du pouvoir. Au Burundi, le CNDD-FDD nous a dit qu’ils vont quitter le pouvoir quand Jésus fera son retour sur terre.
Une autre caractéristique des discours populistes est qu’ils mettent en avant le patriotisme et l’usage de la force comme la seule voie de solution en cas de conflits. Pour mieux comprendre, il faut analyser le sens donné au mot « UMUGABO ». Le mot « UMUGABO » n’est pas nouveau au Burundi mais c’est avec l’arrivée au pouvoir du CNDD-FDD que ce mot est devenu très populaire. Le mot « UMUGABO » veut dire au sens strict un homme (un mâle). Au sens large, « UMUGABO » veut dire quelqu’un qui est vaillant et courageux. Pour les populistes de droite ou dans les milieux ultra conservateurs, les hommes contrairement aux femmes symbolisent la force et doivent occuper une place spéciale dans la société et surtout doivent exercer un rôle protecteur de la nation. Contrairement aux « BASHINGANTAHE » qui se font valoir par le pouvoir de la parole et la sagesse, « UMUGABO » peut user de sa force pour résoudre ces conflits. C’est justement toutes ces valeurs qui font d’« UMUGABO » un patriote, un héros (INTWARI), un homme courageux etc. Une des chansons des membres du CNDD-FDD présentait par ailleurs feu Pierre Nkurunziza comme « UMUGABO W’ABAGABO ». Le 4 juin 2021, feu Pierre Nkurunziza a été élevé au rang de guide suprême du patriotisme et le 8 juin de chaque année a été institué comme journée nationale du patriotisme. Cette façon de mettre en avant le patriotisme et l’usage de la force dans les discours des dirigeants du CNDD-FDD ne fait pas du Burundi un cas unique au monde, il suffit d´écouter les discours des populistes dans d’autres pays pour comprendre qu’il y a une forte ressemblance.
Il existe d’autres caractéristiques des discours dits populistes mais j’ai choisi quelques-unes pour essayer de montrer une ressemblance avec les discours des dirigeants du CNDD-FDD. Pour moi, ce n’est pas un hasard, il y a certainement des experts en communication nationaux ou étrangers qui sont derrière cette stratégie de communication. Il faut éviter de sous-estimer ou prendre le CNDD-FDD comme nul en matière de communication. Le CNDD-FDD est au pouvoir depuis plus de 18 ans et dispose des moyens financiers pour s’offrir les services des compagnies expertes en communication. Alors, je trouve que les discours des dirigeants du CNDD-FDD méritent une analyse spéciale pour mieux connaître leurs buts et leurs caractéristiques. Cela pourrait contribuer beaucoup à sortir la population burundaise de l’ignorance et restaurer la vérité qui est un des piliers de la démocratie. Personne n’ignore qu’en cas d’élections libres et transparentes, le CNDD-FDD ne peut pas gagner les élections. En maîtrisant cette façon de communiquer du CNDD-FDD, on peut aussi sauver des vies et éviter que le CNDD-FDD organise une insurrection comme celle de Donald Trump ou Jair Bolsonaro quand il verra qu’il a perdu le pouvoir.
Par Jr Gihugu