Le Burundi et le Rwanda, des trajectoires diamétralement opposées. Au commencement était l'idylle entre le FPR et le CNDD-FDD
Pour rappel, le jour de la signature des Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation le 28 août 2000, le président Paul Kagame était présent à Arusha pour soutenir les Burundais qui allaient enterrer la hache de la guerre. Le Front Patriotique Rwandais (FPR) entretenait des relations d’amitié avec le parti de Nkurunziza, le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Force de Défense de la Démocratie (CNDD-FDD). En témoigne l’envoi des représentants du parti FPR au Congrès du parti au pouvoir au Burundi, tenu à Gitega en août 2004. À l’investiture du président Pierre Nkurunziza, Paul Kagame était présent à Bujumbura, signe d’amitié pour les deux pays. Après son accession au pouvoir, le président Pierre Nkurunziza a gardé de bonnes relations avec Paul Kagame du Rwanda.
Citant le journal Le Monde, voici ce qu’écrit le journaliste Jean-Claude Mulindahabi: « …de 2005, date de la fin de la guerre civile au Burundi, à 2012, les rapports entre le président (hutu) burundais, Pierre Nkurunziza, et son homologue (tutsi) rwandais, Paul Kagamé, semblent au beau fixe. » Pour illustrer les bonnes relations entre Pierre Nkurunziza et Paul Kagame, Mulindahabi ajoute: « …Il y a quelques années, les deux chefs d’État et leur entourage, se retrouvaient non seulement pour une visite de travail, mais aussi pour la détente, à un match amical. Selon « Pana », en 2008, amateur et pratiquant de tennis, Kagame avait livré un match face au président du Sénat burundais de l’époque, Gervais Rufyikiri. Ensuite, Bujumbura avait pris du plaisir à assister au match de football entre les équipes « Allelua FC » du président Pierre Nkurunziza et « Vision 2020 » de Paul Kagame »
Un autre élément qui montre les très bonnes relations entre les deux pays: ils sont entrés dans la Communauté Est-Africaine (CEA), à la même date, lorsqu’ils ont rejoint les autres pays de la région, selon le traité du 18 juin 2007, et sont devenus membres de la Communauté avec entrée en vigueur le 1er juillet 2007. Le Rwanda et le Burundi évoluaient ensemble, coude à coude, comme de vrais jumeaux. En 2015, la situation se dégrade lorsque le président rwandais dénonce l’attitude de son homologue burundais Pierre Nkurunziza, devant les violences au Burundi. À l’occasion d’un dîner de remise de prix de l’Unity Club à Kigali, Paul Kagame accuse: « Les gens meurent tous les jours, les cadavres jonchent les rues. Comment des dirigeants peuvent-ils s’autoriser à massacrer leur population du matin au soir ? Ils se targuent d’être des hommes de Dieu, certains sont même des pasteurs. Mais en quel Dieu croient-ils? Y-a-t il un endroit dans la Bible où les dirigeants sont appelés à massacrer leur peuple? »
Selon l’ONU, près de 200 morts ont été dénombrés dans les violences qui ont éclaté en avril à la suite de la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat illégal.
Deux pays voisins, deux destins opposés
Au moment où le Rwanda devient un modèle économique pour l'Afrique, le Burundi est en plein marasme économique, caracolant en tête des pays les plus pauvres du monde. Les maux qui gangrènent ce pays étant essentiellement:
des institutions politiques fragiles dans un pays marqué par les conflits ethniques, l’extrême pauvreté généralisée, la faible capacité productive et l’agriculture de subsistance, le manque de carburant et la pénurie énergétique, l’enclavement et le manque d’infrastructures routières et sanitaires, la dépendance à l’aide internationale et l’isolement diplomatique, le risque élevé sur la dette et les comptes extérieurs, la corruption systémique dans les institutions étatiques, le manque de devises, les salaires de misère et la fuite des cerveaux.
À l’opposé de cette image pitoyable du Burundi, le Rwanda est une des destinations tendance, ayant développé ses capacités d'accueil en misant sur le tourisme haut de gamme. Le pays aspire à devenir une économie à revenu intermédiaire d’ici 2035, et à rejoindre les pays à revenu élevé à l’horizon 2050. Le gouvernement entend concrétiser cette ambition à travers une suite de stratégies Nationales pour la Transformation (SNT-1) d’une durée de sept ans, qui reposeront sur des plans sectoriels détaillés orientés vers la réalisation des Objectifs de développement durable.
La descente aux enfers du Burundi depuis le 3ème mandat de Pierre Nkurunziza
En octobre 2017, un document des Panama Papers révélait le rapport "The Plunder route to Panama - How African oligarchs steal from their countries" qui mettait en cause le président Nkurunziza dans le pillage des ressources publiques au Burundi. Ce dernier aurait profité de la crise politique dans son pays pour s'enrichir de manière illicite.
"Pierre Nkurunziza détient une part de l'argent détourné du Burundi. On parle notamment de collusion avec une société d'hydrocarbure, où lui-même est actionnaire et qui est détenteur de plusieurs centaines de millions de dollars dans des comptes à l'étranger. Et apprendre ça de Nkurunziza, quant on connait la souffrance du peuple burundais, on est presque au bord du dégout. (…) Il n'agit pas seul. Il a des intermédiaires et pour la plupart, ce sont des citoyens des pays occidentaux qui, grâce à des montages adéquats, aident ces dirigeants à piller leur propre pays et avec des commissions qu'ils touchent, chacun y trouve son compte. Sauf le Burundi, et les Burundais en pleine souffrance.” (Jean-Claude Mputu, chercheur congolais en matière de gouvernance et démocratie).
Le Burundi devient un État en pleine décadence qui viole de manière systématique les droits les plus élémentaires de l'être humain, une république bananière selon la définition qu’en donne Ekanga Claude Wilfred, politologue et critique camerounais:
« Une république bananière (encore appelée État voyou) est un pays où de braves citoyens sont pris en otage par un Gang de Malfrats en cravate se faisant appeler « gouvernement », qui torture, ment, massacre, pille et vole au nez et à la barbe de ces pauvres gens, tout en leur faisant croire que le patriotisme consiste à féliciter leurs bêtises et leur sauvagerie, quels qu’en soient les dégâts. Et que la protestation légitime (car inscrite dans la Constitution) pour réclamer les droits élémentaires du citoyen, signifie qu’on « salit l’image du pays. » C’est un pays où vous êtes condamné à cinq ans de prison pour avoir réclamé la justice sociale et la transparence financière, tandis que celui qui vous construit 11 kilomètres de route entre l’aéroport et la ville en 7 ans, avec 100 milliards de budget, et qui ne l’a quand même toujours pas achevée, reste en liberté. De même que le Ministre du Banditisme Supérieur qui vous a produit quelques calculatrices à 75 milliards. Et bien évidemment, on l’appelle ”Excellence” »
Quand un conflit interétatique s’invite dans le sport
Rappelons que, en janvier 2024, le Burundi a fermé ses frontières avec le Rwanda après avoir accuse Kigali d’abriter l’état-major des rebelles burundais Red-Tabara, puis expulsé les ressortissants rwandais de son territoire.
Plus récemment samedi 10 mars 2024 à Pretoria, en Afrique du Sud, un événement sans précédent est venu secouer les fondations de la Basketball Africa League (BAL) lorsque l’équipe de basketball burundaise, Dynamo Basket Club, s’est vue forcée de déclarer forfait. Le retrait de la BAL soulève des questions sur l’impact à long terme sur la carrière et la participation future de ces jeunes athlètes dans des compétitions internationales. En premier lieu, cette décision peut avoir des répercussions psychologiques et émotionnelles sur les joueurs, compromettant potentiellement leur motivation et leur confiance. En réalité, le Club Dynamo n’a suivi que les injonctions de la hiérarchie politique du Burundi, en lien avec les tensions politiques entre les deux pays. Comme si la fermeture unilatérale des frontières ne suffisait pas!
La diaspora soucieuse de la restauration de l’État de droit au Burundi.
Les Burundais de la diaspora, regroupés dans diverses associations, suivent de près la situation chaotique qui règne au pays. Ils organisent souvent des rencontres, physiques ou virtuelles, où ils débattent de l’avenir de ce pays, la dernière en date étant la Retraite de Réflexion sur la Restauration de la Démocratie et l’État droit au Burundi tenue en Belgique du 19 au 21 janvier 2024, regroupant les organisations politiques, les organisations de la société civile, les professionnels des médias, les organisations de la diaspora burundaise, des chercheurs ainsi que des citoyens engagés et épris de paix, de stabilité, de démocratie et de l’Etat de droit au Burundi.
Ils ont relevé que ”le régime en place est caractérisé par l’arbitraire, la gabegie, l’intolérance politique, les violations des droits humains, le maintien d’une partie de Burundais en exil forcé, la promotion de la médiocrité et une insouciance démesurée face aux souffrances endurées par le people burundais qui vit dans une paupérisation au moment où une poignée de hautes autorités burundaises vivent dans une opulence arrogante.”
Ils ont fait le constat amer “de la violation répétitive de l’Accord d’Arusha, le verrouillage systématique de l’espace civique et démocratique, l’effondrement des valeurs culturelles et humaines ainsi que le désespoir de la jeunesse burundaise qui ne saurait s’épanouir dans un pays le plus pauvre du monde devenu actuellement la risée de la communauté internationale. Les services publics essentiels, tels que la santé, l’éducation, l’accès à la justice, l’alimentation sont sérieusement compromis, laissant les citoyens vulnérables et démunis sans aucun secours.”
Kiradodora