Les élections générales de 2020 : quels sont les scénarios possibles
Avant d’aborder les scénarios possibles des élections de 2020, il serait intéressant de faire un petit rappel sur les points qui ont marqués élections précédentes depuis 2005 jusqu’aujourd’hui.
Les élections de 2005 : le premier mandat du président Pierre Nkurunziza
De façon générale, les élections de 2005 se sont bien déroulées et ont permis au président Pierre Nkurunziza et son parti CNDD-FDD d’accéder au pouvoir. Selon plusieurs rapports des observateurs tant nationaux qu’internationaux, le comportement de la population, de l’administration, des médias, des forces de l’ordre et des partis politiques a été exemplaire même si quelques petites irrégularités ont été signalées dans certains coins du pays.
Cependant, j’ai des questions que je n’arrive pas á trouver de réponses. Pourquoi seules les élections présidentielles ont été indirectes ? Y avait-il plus de risques d’insécurité si les élections présidentielles étaient directes ou encore y avait-il d’autres motifs derrières l’article 302 de la constitution de 2005 ?
Les élections de 2010 : le deuxième et dernier mandat du président Pierre Nkurunziza selon la constitution de 2005
Le CNDD-FDD au pouvoir depuis 5 ans a organisé pour la première fois les élections générales. Ces élections ont été marquées par des violences. Les partis de l’opposition regroupés au sein de l’ADC-IKIBIRI ont fait plusieurs déclarations surtout après les élections communales qui selon l’ADC-IKIBIRI, ont été caractérisées par des fraudes et des irrégularités massives. Par ailleurs, l’ADC-IKIBIRI a demandé á la CENI de réorganiser les élections communales. Faute de suites favorables á leurs requêtes, tous les partis de l’opposition ont décidé de boycotter les élections présidentielles qui ont été remportées par Pierre Nkurunziza, seul candidat á la présidence. Pour ce qui est des élections législatives, le CNDD-FDD a eu 81 députés tandis que le FRODEBU et l’UPRONA ont eu 5 respectivement 17 débutés. je me demande pourquoi les partis politiques qui ont boycotté les élections présidentielles ont par après décidé de participer aux élections législatives. Étaient-ils au courant des intentions du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat ?
Les élections de 2015 : le mandat de trop ou le mandat anticonstitutionnel de Pierre Nkurunziza
Avant les élections de 2015, il s’est passé beaucoup de choses qui expliquent ce qui s’est arrivé en 2015. Beaucoup de partis d’opposition avec ou sans la complicité du ministère de l’intérieur ont connu des divisions internes qui ont sérieusement constitués des obstacles dans leur lutte politique. C’est le cas du FNL, l’UPRONA, le FRODEBU et l’UPD-Zigamibanga. La société civile a aussi connu des problèmes similaires. Certains présidents des partis politiques comme Agathon Rwasa et Alexis Sinduhije ont même fui le pays pendant une courte période.
En 2014, le CNDD-FDD a essayé de modifier la constitution sans y parvenir. Il faut dire que c’est grâce aux débutés issus des élections contestées de 2010 qui ont fait échouer ce projet. Peine perdue, le CNDD-FDD a alors décidé d’utiliser la force et d’imposer Pierre Nkurunziza comme candidat aux élections présidentielles.
Une candidature anticonstitutionnelle aux yeux d’une majorité de burundais qui, après l’annonce de cette candidature le 26 avril 2015, a conduit á des manifestations contre ce mandat de trop. Il y a même eu un coup d’état qui s’est soldé par un échec. Les représailles qui ont caractérisées cette période ont poussé de milliers de burundais, les politiciens et les membres de la société civile á fuir. Il faut ajouter á cela la fermeture ou la destruction des médias indépendantes, les assassinats politiques, l’emprisonnement des membres des partis d’opposition etc. C’est dans ce contexte que les burundais encore au pays sont allés voter. Sans surprise, le CNDD-FDD a gagné ces élections de 2015. La question qui se pose est de savoir si les élections de 2015 sont les dernières que le CNDD-FDD a remportées ou si elles constituent une base solide pour un règne éternel du CNDD-FDD.
Les scénarios possibles des élections de 2020
Depuis 2005, le Burundi vit sous un régime dictatorial et la situation s’est empirée pendant ce troisième mandat de Pierre Nkurunziza. C’est pour cela que pour certains partis comme le MSD et d’autres partis au sein du CFOR-Arusha, les élections de 2020 sont tout simplement une mascarade électorale. Ils ont même annoncé qu’ils ne vont pas participer á ces élections. Cependant, d’autres partis qui sont tant bien que mal actifs croient que les élections de mai 2020 sont la seule voie possible pour faire tomber le CNDD-FDD. Pour le parti au pouvoir, les élections de mai 2020 sont juste une question de formalité. Le CNDD-FDD croit déjà á une victoire mais pendant la campagne électorale en cours, le CNL d’Agathon Rwasa par rapport aux candidats en course pour le fauteuil présidentiel a montré ses muscles et constitue une menace réelle pour le CNDD-FDD. Qui va gagner entre les deux partis ?
Le CNDD-FDD gagnera sans surprise les élections de 2020
Cela fait 15 ans que le CNDD-FDD est au pouvoir. Ce qui fait que le parti possède les atouts suivants pour gagner les élections : des moyens financiers colossaux pour sa campagne électorale, une administration acquise á sa cause á tous les niveaux du pays, des permanences sur toutes les collines et le mouvement des jeunes Imbonerakure qui avec la police et certains militaires ont joué et continuent á jouer un rôle important dans la répression des opposants et l’intimidation de la population. En plus de cela, il y a ceux qui croient que le fait que le président sortant Pierre Nkurunziza ne va pas encore se présenter aux élections présidentielles constitue un autre facteur en faveur pour le parti au pouvoir. La CENI est aussi acquise au CNDD-FDD et elle peut jouer un rôle primordial pour le maintien du CNDD-FDD au pouvoir. Il faut aussi noter qu’on se dirige vers des élections á huis clos sans observateurs internationaux. D’après les dernières nouvelles, les membres de la mission d’observation électorale de la communauté des Etats de l’Afrique orientale (EAC) doivent être confinés pendant 14 jours. Ce qui veut que le déconfinement va prendre fin après les élections. En un mot, il y a beaucoup de facteurs qui favorisent le maintien du pouvoir dictatorial du CNDD-FDD. La question qui se pose est de savoir le plan B prévu par les partis d’opposition en cas de tricherie.
Une victoire écrasante du CNL
Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire du Burundi, ils peuvent croire que le CNL est un nouveau parti au Burundi. Pas du tout, le CNL a á plusieurs reprises contraint de changer de nom. Avant, il s’appelait Palipehutu-FNL et c’est en 2009 qu’il a été agréé comme parti politique sous le nom de FNL. En 2015, Agathon Rwasa et d’autres membres du FNL ont encore été obligés de changer de nom et siègent au parlement sous le nom d’Amizero y’Abarundi, une coalition politique avec une des ailes de l’UPRONA. C’est en 2019 que ce parti CNL dirigé par Agathon Rwasa a été agréé. Cette histoire du CNL montre que malgré toutes ses contraintes, la mobilisation de ses membres a continué. Cela constitue un premier atout. Durant ces dernières années, les membres du CNL comme tous les burundais en général ont été victimes des exactions du pouvoir du CNDD-FDD. Et en plus de cela, les crimes économiques font que les rangs du CNL ne font qu’agrandir. Pour beaucoup, il s’agit tout simplement d’un vote anti CNDD-FDD et constitue un atout majeur en faveur du CNL. La campagne électorale en cours est bel et bien une preuve qui montre que le CNL va gagner les élections de 2020.
Beaucoup disent que ce dernier scénario est possible mais il faut compter sur une CENI neutre pour que cela soit une réalité. Que deviendra le CNDD-FDD en cas de défaite ? Peut-on aussi imaginer un rôle neutre de l’armée et la police. Sommes-nous à la veille d’une autre guerre civile ou dirigeons-nous vers une autre ère de paix et de prospérité au Burundi ?
Par Jr GIHUGU