Les élections à huis clos

Le Burundi prend un engagement inédit. Les jours se comptent aux doigts, le rendez-vous longtemps attendu approche, le 20 mai. Les citoyens burundais en âge de voter vont se diriger aux urnes dans une combinaison de trois scrutins à savoir : les élections présidentielles, législatives et communales. 

Cependant, au moment où nous étions habitués à des élections observées par différentes organisations tant nationales qu’internationales, le rendez-vous du 20 mai sera purement et simplement burundo-burundais. Aucun observateur de l'extérieur, pas même de la communauté Est Africaine qui vient de recevoir une note écrite de la part du gouvernement burundais à moins de 10 jours des élections lui signifiant que ses observateurs seraient soumis à une quarantaine de 14 jours au moment où cette communauté décidait de les envoyer, et cela en raison de la pandémie du Covid-19. 

Face à cette décision, l'EAC n'aura donc que deux choix, à savoir celui d'annuler sa mission d'observation ou de déléguer les observateurs choisis parmi ceux qui vivent sur le sol burundais. Ce qui pourrait susciter des inquiétudes surtout en ce qui concerne la neutralité des observateurs issus de ce choix. Au cas où l'EAC décide d'abandonner cette mission d'observation, les élections de mai 2020 seront des élections du parti Cndd-Fdd qui sera à la fois compétiteur et arbitre. 

Cela aura sans doute des conséquences sur la crédibilité des résultats des urnes sachant que la CENI, organe régulateur est taxée d'être un organe du parti au pouvoir et qu'elle ferme l'œil sur les violations du code électoral commis par les membres du parti au pouvoir. En effet, le parti CNL d'Agathon Rwasa, principal rival du CNDD-FDD, a déjà annoncé que depuis le lancement de la campagne électorale, plus de 200 de ses militants ont été emprisonnés au moment où deux ont été tués et deux autres portés disparus. Ce parti dénonce aussi les cas d'enlèvements de certains de ses membres, en particulier les leaders de ce parti au niveau des collines et des communes, des enlèvements qu'ils mettent sur le dos des membres du parti au pouvoir. " Toutes ces bavures sont commises par les membres du parti au pouvoir, sous l'œil complice des autorités administratives ", a déclaré Térence Manirambona, porte-parole du CNL dans une conférence de presse qu'il a tenue le 8 mai 2020. 

Il appelle la CENI à suivre scrupuleusement et faire respecter le code électoral et à manifester sa neutralité. Quant à la coalition KIRA-Burundi, elle accuse la CENI d'entretenir l'opacité sur le fichier électoral, les listes des électeurs n'étant pas affichées aux bureaux de vote. D'où risque de chiffres manipulés. Elle alerte donc sur " les risques d'un scrutin émaillé d'injustice et de partialité ".

Et Domitien Ndayizeye qui représente cette coalition aux présidentielles 2020 de s'interroger sur ce que cacherait la nouvelle carte d'électeur. 

Cela suscite des inquiétudes et le climat de peur parmi la population qui craint le pire pendant et après ces élections qui s'annoncent déjà très tendues. Comme d'aucuns le savent, les élections au Burundi ont été toujours à l'origine des crises qui ont secoué le pays à des périodes différentes. Difficile de prédire le contraire pour ce prochain rendez-vous. Certains analystes indépendants n'hésitent même pas de prédire que le lendemain des élections prochaines pourrait être noir pour le Burundi. 

Honoré MIRINDI

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