Les réfugiés burundais croient que les élections de 2020 ne leur permetront pas de rentrer au burundi

 Le Burundi s'apprête à choisir mercredi un nouveau président, le sortant Pierre Nkurunziza ayant décidé de ne pas se représenter. 

Sa candidature à un troisième mandat en 2015 avait déclenché un vaste mouvement de contestation populaire, dont la violente répression a poussé 600.000 Burundais à l'exil, au plus fort de la crise depuis le 26 avril 2015. 

Plusieurs d'entre eux ont confié à la Radio Haguruka ne pas nourrir d'espoir du scrutin de mercredi, estimant que le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, a déjà planifié la fraude de ces éléctions. 

- Pacifique Manariyo, 41 ans, réfugié à Kigali – 

Malgré une vie d'exilé difficile, Pacifique Manariyo sourit souvent et parle avec assurance. Il ne voit pas la situation au Burundi changer rapidement. « Je faisais partie des jeunes gens fermement opposés au troisième mandat du président Nkurunziza. Nous avons organisé des manifestations. Mais nous n'étions pas préparés au niveau des violences qui se sont  abattus sur nous. La police et l'armée nous ont traqués. Ils ont tué beaucoup d’entre nous sans pitiés. 

J'ai planifié ma fuite pour le Rwanda et j'ai tout laissé derrière moi. Je vis au Rwanda depuis juin 2015. Au Burundi, j'étais jeune diplômé et homme d’affaires. Ici au Rwanda, je suis enseignant dans une école privée, pour pouvoir joindre les deux bouts. 

La vie est dure mais nous continuons. J'ai laissé beaucoup de proches au Burundi et je prie qu'ils aillent bien. Ici, je suis marié et père de deux enfants à présent. 

Rentrer au Burundi est mon rêve ultime, mais je sais que c'est impossible. Les circonstances qui m'ont forcé à devenir un réfugié sont toujours là, les gens ont toujours peur (...), car le parti au pouvoir contrôle fermement les choses". 

- Marie Chantal, 29 ans, réfugiée à Belgique – 

Ancienne agent d’assurance, mère de 7 enfants, très engagée politiquement, Marie Chantale a dû réapprendre une nouvelle vie. 

« C'était le 09 mai (2015) et notre manifestation venait d'être dispersée par la police. Tout à coup, la camionnette du général Godefroid Bizimana (qui était le n°2 de la police) s'est arrêtée à côté de moi et il a ordonné à deux policiers de m'arrêter et de m’embarquer dans la camionnette. Ils se sont mis à discuter entre eux où il fallait m'amener. Celui qui était à côté de moi m'a demandé si je voulais sauver ma vie.  J’ai repondu que Dieu lui rendra le bien qu’il ferait en me laissant m’enfuir.Il m'a dit de courir aussi fort que je pouvais, et j’ai couru vers la Gare du nord pour chercher une voiture qui pourrait m’ammener jusqu'à kayanza, chez ma cousine pour m’y refugier quelques jours ». 

Après quelques jours en clandestinité, Marie Chantal gagne le Rwanda puis la Belgique. « J'ai été accueillie à la campagne par une famille burundaise d’Anvers, puis j'ai demandé l'asile politique que j'ai eu facilement car mon cas était facile à vérifier. 

Les réfugiés sont bien traités en Belgique, car on m'a donné une maison, une petite subvention pour subvenir à nos besoins. J'ai passé deux ans à étudier le nerlandais et finalement mon mari m'a rejoint avec un enfant qui était resté avec lui au Burundi. 

Je ne vois aucune raison d'espérer rentrer rapidement, rien ne me rassure si je me réfère au niveau des violences qui émaillent ces élections ou la façon dont elles sont organisées". 

- Barakamfitiye Charles, 32 ans, exilé à Nairobi – 

Barakamfitiye Charles parle doucement et avec précision. Il ne voit pas de raison d'être optimiste. 

"Je suis arrivé en janvier 2016 à Nairobi. Avant, j'étais professeur d'histoire à l'école secondaire. Je vivais dans un quartier contestataire de Bujumbura. Je n'étais pas pour la candidature de Nkurunziza, mais je n'étais pas chaud pour manifester non plus: je trouvais que c'était mal organisé. 

J'étais lassé par la situation (...). Je suis parti pour trouver mieux ailleurs. 

Ma femme et mes deux enfants sont toujours au Burundi. C'est très difficile mais on n'a pas trop le choix. Je travaille pour une societé qui vend des véhicules, mais il n'y a pas beaucoup de travail en ce moment. 

Comme je suis parti, je suis considéré à présent comme un fugitif, appartenant à l'opposition. J'ai fait deux allers-retours rapides au Burundi depuis. Incognito. Là-bas, je loge dans un quartier où on ne me connaît pas (...). Dans les cinq à dix ans à venir, je ne vois pas vraiment de changement. Le projet, c'est plus de faire venir ma famille que de retourner au Burundi". 

- Donatien Niyonkuru, 35 ans, réfugié à Kigali – 

Donatien Niyonkuru, un peu timide et toujours frappé de voir comment sa vie a basculé. 

"J'ai fui en décembre 2015 car les Imbonerakure (Ligue de jeunesse du parti au pouvoir) me recherchaient pour m'éliminer. J'ai quitté le Burundi tout seul et je suis arrivé au Rwanda avec absolument rien. 

J’étudiais les technologies de l'information à l'université du Burundi et il me restait un an d'études. 

J'ai cherché du travail ici (en relation avec mes études) mais en vain, jusqu'à trouver ce boulot de chauffeur de taxi. 

Parfois, je me demande comment je me suis retrouvé à vivre une vie tellement différente de celle dont je rêvais étant étudiant. C'est fou. 

La vie de réfugié n'est pas facile car nous ne sommes pas chez nous. Nous sommes des étrangers, pas des citoyens (...). Bien sûr, j'espère rentrer au Burundi un jour. Mais avec les élections et les risques de violences, ce n'est même pas la peine d'y penser". 

Par Igiraneza Tresor

 

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